
Le dirigeant suprême de la Corée du Nord n'a pas assisté aux cérémonies
officielles du 15 avril et il
est toujours absent de la scène politique.
Les rumeurs sur son état de santé se sont emballées. Est-il mourant ou
simplement en train de se protéger du Covid-19 ? Que se passerait-il
s'il devait quitter le pouvoir ?
Les autorités de Séoul restent prudentes. Selon Kim Yeon-chul, le
ministre sud-coréen de l'Unification, un danger vital n'expliquerait pas
l'absence de Kim Jong-un aux cérémonies traditionnelles pour
l'anniversaire de son grand-père Kim Il-sung, fondateur de la République
démocratique de Corée. Kim Jong-un,
dont le train a été observé à Wonsan, sur la côte est du pays, serait à
l'isolement par mesure de précaution face à la pandémie de coronavirus.
Cela
fait deux semaines que l'actuel leader suprême à Pyongyang n'a pas été
vu en public. Une absence inédite qui a alimenté les spéculations sur
son état de santé. Citant une source nord-coréenne, Daily NK, un site
d'information établi à Séoul, a rapporté la semaine dernière qu'il avait
été opéré du cœur le 12 avril. Le dirigeant est connu pour avoir des
problèmes d'obésité et de tabagisme. Pour les médias japonais, Kim
serait dans un « état végétatif » après « avoir agrippé sa poitrine puis être tombé au sol ».
Depuis,
la presse officielle nord-coréenne n'a donné aucune preuve de vie du
dirigeant, au-delà d'un message d'encouragement aux travailleurs
nord-coréens diffusé sans photo de Kim. D'après Anna Fifeld, la
spécialiste de la Corée du Nord au Washington Post, cela signifierait qu'il est « toujours au pouvoir mais pas montrable devant une caméra ».
Séoul balaie les rumeurs
« Il
est vrai qu'il n'a jamais manqué l'anniversaire de Kim Il-sung depuis
qu'il est au pouvoir, mais de nombreuses célébrations et un banquet ont
été annulés en raison des inquiétudes liées au coronavirus, a déclaré Kim Yeon-chul, lors d'une audience parlementaire. Je ne pense pas que ce soit particulièrement inhabituel
dans la situation actuelle. » À deux reprises depuis la mi-janvier, a rappelé le ministre sud-coréen, Kim Jong-un n'est pas apparu en public pendant près de vingt jours.
dans la situation actuelle. » À deux reprises depuis la mi-janvier, a rappelé le ministre sud-coréen, Kim Jong-un n'est pas apparu en public pendant près de vingt jours.
Pour
le gouvernement de Séoul, les informations selon lesquelles il a été
opéré du cœur sont donc fausses, tout comme l'envoi d'une équipe
médicale chinoise en Corée du Nord.
Côté américain, même retenue. Mardi 28 avril, Donald Trump a assuré, sans plus de détails, avoir une « très bonne idée » de l'état de santé de Kim Jong-un, suggérant que sa vie n'était pas en danger.
Malgré
cette prudence, nombre d'observateurs de la Corée du Nord s'accordent
sur un point : cette situation n'est pas normale. D'où une série de
questions légitimes sur les scénarios possibles si Kim Jong-un devait
mourir.
Comment le monde apprendrait-il sa mort ?
Le régime au nord de la péninsule coréenne est l'un des plus secrets et opaques au monde. A fortiori
pour tout ce qui regarde la santé de son plus haut dirigeant. Kim
Jong-il, le père de Kim Jong-un, était mort depuis deux jours lorsque
l'information circula hors du premier cercle du pouvoir à Pyongyang.
Si
son fils décédait, le monde l'apprendrait par une annonce soudaine à la
télévision d'État. C'est l'usage : si une présentatrice en robe noir
apparaît brusquement à l'écran, c'est que Kim est mort. En l'occurrence
Ri Chun-hee, la vétérane du journal télévisé nord-coréen qui a scandé
depuis des décennies les grands moments du pays, débordante de joie pour
acclamer ses succès et fondant en larmes en cas de nouvelles tragiques.
Si c'est un tir de missile ou un essai nucléaire réussi, elle porte un joseon-ot rose, l'une des robes traditionnelles en Corée du Nord, connue sous le nom de hanbok
au sud de la péninsule. Lorsqu'elle révéla les disparitions de Kim
Il-sung en 1994 et de son fils Kim Jong-il en 2011, sa robe était d'un
noir funéraire.
Le successeur s'appellerait-il forcément Kim ?
Officiellement
nommée République démocratique et populaire, la Corée du Nord a
cependant toujours été gouvernée par l'un des membres de la même famille
depuis sa fondation en 1948. La légitimité revendiquée par le Parti des
travailleurs repose sur le combat de Kim Il-sung contre l'occupant
japonais, puis contre la coalition de l'ONU menée par les Américains
lors de la guerre de Corée (1950-1953).
Le Parti maintient depuis lors son emprise sur la société nord-coréenne. « L'unité d'esprit » est l'un de ses plus vieux slogans. Personne ne s'attend à une insurrection contre lui si Kim venait à mourir.
Selon Andrei Lankov du Korea Risk Group, interrogé par Reuters, « les
généraux nord-coréens et les responsables politiques de haut rang ne
déclencheront pas de lutte pour le pouvoir, ou bien ce serait une lutte
limitée. Ils accepteraient un nouveau dirigeant issu de la famille Kim ».
Qui sont les candidats de la famille de Kim ?
Kim
Jong-un aurait trois enfants. Parmi eux, on sait seulement que le
deuxième est une fille. Toujours est-il qu'ils sont trop jeunes pour
remplacer leur père.

Sa sœur, Kim Yo-jong, compte parmi les plus proches
conseillers de l'actuel dirigeant nord-coréen. En 2018, elle a été sa
représentante aux Jeux olympiques d'hiver de Pyeongchang, au Sud. Elle a
accompagné Kim Jong-un dans ses aventures diplomatiques et a même
publié des communiqués en son propre nom. Elle est une membre suppléante
du Politburo du Parti des travailleurs et aujourd'hui la plus haute
dignitaire de la famille Kim. Cependant, la société nord-coréenne reste
très conservatrice et n'a jamais été dirigée par une femme.
Quant à
Jong-nam, l'un des frères de Kim Jong-un, il aurait pu être son
successeur naturel s'il n'avait pas été assassiné en 2017, recouvert
d'un agent neurotoxique mortel à l'aéroport de Kuala Lumpur. Un meurtre
qui, selon les experts, porte la signature de Pyongyang.
Kim a
également un frère aîné, Jong-chol, connu pour être fan du guitariste
anglais Eric Clapton. Il n'a montré aucune ambition politique.
La
liste familiale proche serait incomplète sans la femme de Kim Jong-un,
Ri Sol-ju. Elle bénéfice d'un statut public inédit et a même reçu le
titre de Première dame en 2018.
Parmi les autres membres du clan, seul Kim Pyong-il, le demi-frère de Kim Jong-il, est lui aussi mentionné.
Il fut l'ambassadeur nord-coréen dans plusieurs pays d'Europe de l'Est
des décennies durant. Mais il a été rappelé en 2019 de son dernier poste
en République tchèque. Plus personne n'a entendu parler de lui depuis.
Il pourrait être néanmoins un candidat alternatif à Kim Yo-jong, soutenu
par les conservateurs nord-coréens opposés à l'accession d'une femme au
pouvoir suprême.
Quid d'un successeur extérieur au clan Kim ?
Kim
Jong-un n'a pas nommé publiquement de successeur, mais son numéro deux
officiel s'appelle Choe Ryong-hae. Membre du présidium du Politburo du
Parti, le saint des saints du pouvoir à Pyongyang, il est aussi le
premier vice-président du Conseil des Affaires d'État, le gouvernement
exécutif de la Corée du Nord.
Choe est extrêmement puissant et
pourrait même être lié à la famille Kim par mariage. Le public ne sait
pas si Kim Yo-jong a un mari, mais selon la presse sud-coréenne, ce
pourrait être le fils de Choe.
Le coronavirus plus dangereux que la mort de Kim
La mort éventuelle de Kim Jong-un est-elle cependant le problème numéro un de la Corée du Nord ? Loin de là, rappelle Peter Hayes, directeur du Nautilus Institute, un think tank australien. Pour lui, le pays est « une boîte noire de la pandémie de coronavirus, dont l'opacité menace tout le monde ». De Pékin à Tokyo en passant par Séoul, tous redoutent une contamination via les négociants et les réfugiés qui passent la frontière.
La
direction nord-coréenne saurait-elle gérer une crise sanitaire
massive ? Sans parler de la famine engendrée par la mise en quarantaine
des travailleurs dans une nation à l'économie des plus fragiles. Le défi
serait bien plus grand pour Pyongyang que de trouver un successeur à
Kim Jong-un.
Par RFI