
Paul Benkimoun, notre journaliste spécialiste de la santé, a répondu à vos questions au sujet des
recherches en cours.
Quelles sont les avancées de la recherche
en matière de traitements contre le Covid-19 ? Où en est la mise au
point d’un vaccin ? Paul Benkimoun, journaliste spécialiste des
questions de santé au Monde, a répondu à nos lecteurs lors de notre direct, le 20 avril.
Marti : Peut-on être immunisé naturellement contre le coronavirus ?
La
seule manière d’être immunisé, tant qu’il n’y a pas de vaccin contre le
SARS-CoV-2, est d’avoir contracté la maladie, comme c’est le cas pour
les autres infections.
Florian : En combien de temps guérit-on de la maladie dans ses formes bénignes ?
Dans
les formes bénignes, les symptômes disparaissent en quelques jours,
parfois plus (une semaine), notamment si la fatigue a été importante.
Certains signes souvent présents, comme la perte de l’odorat ou du goût,
mettent un peu plus de temps à disparaître.
Zenga89 : Selon l’OMS, « il n’est pas acquis que la présence dans le sang d’anticorps du coronavirus protège d’une nouvelle infection ». Ce phénomène, s’il était confirmé, remettrait-il en cause l’espoir d’un vaccin ?
Nous n’avons pas
encore de preuve que les anticorps produits à la suite de l’infection
par le SARS-CoV-2 soient capables de le neutraliser dans l’organisme. La
question ne pourra être tranchée qu’une fois que suffisamment de
données scientifiques seront disponibles pour établir qu’il existe ou
non une protection par ces anticorps.
Les
anticorps ne constituent pas notre seule défense immunitaire. A côté de
cette réponse dite « humorale » qui s’appuie sur les anticorps, nous
disposons aussi d’une réponse « cellulaire » qui passe par une catégorie
de globules blancs spécialisés : les lymphocytes T CD8. La mise au
point d’un vaccin capable d’induire à la fois une réponse par les
anticorps et une réponse cellulaire permettrait de résoudre le problème
d’anticorps qui ne seraient pas assez efficaces contre le SARS-CoV-2.
Paul : Qu’en est-il des annonces sur l’absence d’immunité au Covid-19 des malades guéris ?
Il
n’est pas démontré qu’il y ait une absence d’immunité chez des malades
guéris. Les incertitudes portent sur le fait de savoir s’il s’agit
véritablement de réinfection (infection, suivie d’une guérison, puis
d’une seconde infection), d’un problème qui serait lié aux tests (test
faussement négatif chez une personne « guérie », puis nouveau test
positif) ou encore d’une disparition apparente du virus qui pourrait
subsister dans l’organisme, dans ce que l’on appelle un réservoir. Là
encore, l’accumulation de données permettra de sortir de l’incertitude.

Marie : Il semblerait que l’immunité post-Covid ne soit pas certaine, ce qui est une mauvaise nouvelle… Ne devrait-on pas, alors, voir une résurgence des cas en Chine ?
Le
risque de résurgence est lié au maintien ou non de mesures de
distanciation sociale (se tenir à distance, porter un masque…) et d’une
politique de détection et d’isolement des cas d’infection, de repérage
des personnes en contact et de leur isolement, qui s’appuie sur
l’utilisation de tests diagnostiques. La Chine maintient des mesures de
ce type. D’autres pays procèdent de la même manière.
Méfiante : Je viens de recevoir une info qui semble virale sur le rôle d’une bactérie intestinale, la Prevotella… Cette piste est-elle fiable ?
S’il
y a encore des connaissances qui manquent sur le nouveau coronavirus,
il est solidement établi qu’il est bien l’agent qui provoque le
Covid-19. Est-ce que cette infection entraîne des modifications dans la
flore bactérienne intestinale, dont la Prevotella fait partie ? Cela n’est pas établi et ne semble pas être un facteur déterminant dans le Covid-19.
Koikilenkoute : A ma connaissance, un seul test diagnostique est fiable à 99 %, c’est le scanner pulmonaire. Pourquoi n’en est-il jamais question dans les communications gouvernementales ?
S’il
est préférable a priori d’avoir une certitude diagnostique, il faut
mesurer la qualité d’une information médicale à la lumière des aspects
pratiques. Un scanner pulmonaire permet de diagnostiquer des lésions
dans les poumons, mais la première information recherchée est de savoir
si une personne est infectée par le SARS-CoV-2. Une forte présomption
peut exister sur la base de signes cliniques (fièvre, fatigue, toux,
mais aussi perte de l’odorat, du goût…) et la notion d’un contact avec
une personne infectée. Un test par PCR après prélèvement dans le nez
identifiera le SARS-CoV-2. Le scanner n’a pas de pertinence pour les
formes bénignes qui représentent l’immense majorité des infections par
ce nouveau coronavirus.
Bibi : Je ne comprends toujours pas que le président de la République ait pu dire qu’un dépistage systématique n’avait « aucun sens ». Face à un ennemi invisible, la première réponse n’est-elle pas de tenter de le localiser, donc de pratiquer des tests à grande échelle pour détecter les porteurs asymptomatiques ?
Le
président et l’exécutif n’ont pas choisi d’expliquer les limitations en
matière de capacité à tester massivement et de reconnaître que la
stratégie s’adaptait à ces limitations. Le discours a justifié le choix
de ne pas tester systématiquement autrement. Cela a été le même cas pour
les masques. Néanmoins, il faut tenir compte d’une logique de
faisabilité. Tester systématiquement les personnes en contact avec un
cas, même si elles n’ont aucun symptôme, est indispensable. Si « tester les asymptomatiques » signifie tester toute la population, c’est irréalisable, car il faudra de plus répéter ces tests.

Chab12 : Quels sont les délais raisonnables pour espérer un vaccin ?
Plus d’une centaine d’essais vaccinaux ont débuté dans le monde, comme le précise aujourd’hui un article sur notre site.
Débuter, cela veut dire commencer un processus qui est long, constitué
de plusieurs étapes afin de s’assurer de l’innocuité du candidat vaccin,
puis du fait qu’il entraîne une réponse immunitaire et ensuite que
cette réponse immunitaire protège bien contre l’infection.
Il
est impossible, sauf à prendre des risques inacceptables, de sauter ces
étapes d’abord sur des modèles animaux puis chez l’homme, avant de
lancer une production à grande échelle – car il faudra un ou des vaccins
accessibles dans le monde entier – et de procéder à la vaccination.
Certains industriels utilisent une technique avec l’ARN messager, qui
permet de raccourcir le délai, usuellement de l’ordre de dix-huit mois,
mais il paraît très peu probable de disposer d’un vaccin prêt à un
emploi à grande échelle avant 2021.
CD : Il a été dit il y a quelques semaines que certaines formes de la maladie toucheraient surtout le système digestif, provoquant notamment des diarrhées. Ce symptôme est-il associé aux symptômes les plus courants (fièvre et toux), et ces formes de la maladie sont-elles bénignes ou graves ?
Ce
signe a été décrit dans des publications chinoises et a également été
retrouvé ailleurs qu’en Chine. Ce n’est pas le symptôme le plus fréquent
et il n’est pas établi qu’il soit un signe de gravité particulière.
Suzanne : Les femmes enceintes sont-elles considérées comme des personnes à risque susceptibles de rester confinées ? Enseignante et enceinte de cinq mois, je me demande s’il sera prudent de reprendre les cours au mois de mai.
Oui, une femme
enceinte est considérée comme une personne à risque dès lors qu’il n’a
pas été démontré que le Covid-19 serait sans danger pour elle et pour
l’enfant à naître. Cela implique donc des mesures plus contraignantes
que pour une autre personne.
Bien calme et guéri : On entend parler de tests avec le vaccin BCG contre le coronavirus. Si ce vaccin est efficace, pourquoi la population déjà vaccinée (que j’imagine nombreuse) ne serait-elle pas déjà protégée ?
L’utilisation
du BCG pour stimuler la réponse immunitaire fait l’objet en France
d’une étude. Le fait d’avoir été vacciné, parfois il y a longtemps, ce
qui est le cas des personnes âgées plus menacées de développer une forme
grave, ne suffit apparemment pas à assurer une protection. Comme cela
s’est fait dans d’autres maladies, il s’agirait de donner une nouvelle
stimulation au système immunitaire.
Julie : A-t-on des informations concernant la stabilité génétique du virus ? Mute-t-il rapidement ?
A
ce stade, il n’y a pas eu de publications scientifiques faisant état de
mutations significatives du virus, susceptibles de modifier les
conséquences de l’infection.
Interrogateur : Qu’en est-il du protocole du professeur Raoult ?
Les
publications allant dans le sens d’une efficacité de ce protocole
souffrent de graves déficiences qui ne permettent pas d’en tirer de
conclusions. Des publications, pas toutes de bonne qualité, vont dans le
sens contraire et ne retrouvent pas d’efficacité de l’association
hydroxychloroquine-azithromycine. Des résultats plus fiables viendront
avec de plus grandes études menées dans les règles de l’art.

Faux négatif : A-t-on plus de précisions sur le pourcentage de faux négatifs des tests virologiques et donc sur la fiabilité de ces tests alors qu’ils seront un élément important du déconfinement ?
Certains
tests ont une fiabilité douteuse, leur sensibilité pourrait descendre
jusqu’à 30 % seulement, mais d’autres tests sérologiques sont mis au
point, entre autres par l’Institut Pasteur, qui devraient être beaucoup
plus fiables.
Soloforak : Le président de Madagascar a annoncé hier la découverte et la distribution d’un médicament préventif et curatif à base d’une plante, l’artemisia. Quelle crédibilité accorder à ce traitement ?
C’est effectivement l’annonce qui a été faite par le président malgache. L’utilisation de tisanes à base d’artemisia
est promue par certains contre le paludisme, car les traitements les
plus récents dérivent de cette plante, mais cela est loin de faire
l’unanimité parmi les scientifiques. La pertinence de son utilisation
comme traitement contre le Covid-19 est très loin d’avoir été établie.
Thierry : Y a-t-il une coopération internationale entre laboratoires ou est-ce une course au premier qui trouvera ?
C’est
justement pour éviter ce chacun pour soi et un jackpot pour ceux qui
mettraient au point un vaccin qu’il faut que les gouvernements et les
instances internationales, à commencer par l’OMS, imposent d’ores et
déjà que les traitements, vaccins et tests diagnostiques soient
disponibles dans le monde entier, ce qui exclut des prix prohibitifs.
Par Le Monde.fr