
Après les guerres économique et sanitaire,
les Etats-Unis d'Amérique (USA) semblent vouloir
entraîner la Chine sur
un nouveau front, à savoir celui de la bataille monétaire. Dans une
actualité mondiale qui est submergée par la pandémie de Coronavirus, peu
de personnes ont vu passer le fait que la Federal Reserve Bank (FED),
l'institution qui fait office de banque centrale américaine, a signé des
accords assouplissant les conditions d'accès au dollar (swap monétaire)
avec certaines banques centrales du monde.
Il s'agit de la Banque centrale
européenne, ainsi que les banques centrales du Japon, du Canada, du
Royaume-Uni et de la Suisse. En vertu de cet accord, les conditions
d'accès pour ces pays à des dollars américains se caractérisent
désormais par une baisse des taux d'intérêt qu'il faut payer. Aussi, la
FED a lancé un programme d'appel d'offres hebdomadaire pour que ces pays
accèdent à des dollars remboursables au bout de 84 jours, à côté des
traditionnelles injections de liquidité à une semaine qui existent déjà.
En plus de l'assouplissement de l'accès au
dollar pour les pays couverts par ces banques centrales, les Etats-Unis
ont aussi étendu cette possibilité d’accès facile aux dollars à
d'autres banques centrales situées dans des économies émergentes,
notamment celles du Brésil, de l'Australie, le Danemark, la Suède, la
Corée du Sud, la Norvège, Singapour, le Mexique et la Nouvelle-Zélande.
Pendant six mois au moins, ces pays pourront accéder à une cagnotte de
450 milliards $, selon des critères qui leur sont propres.
La Chine exclue de la « gentillesse » des Etats-Unis
Toutefois, on note que les USA n'ont pas
signé d'accord de Swap monétaire avec la Chine. Or ce pays est un des
gros partenaires commerciaux des Etats-Unis et de nombreuses entreprises
chinoises, notamment dans le secteur de l'aviation, ont accumulé une
importante dette en dollars. Des analystes américains n'hésitent pas à
penser que cet « oubli » de la Chine dans la stratégie américaine visant
à renforcer son dollar à l'international est lié aux reproches formulés
à ce pays, qui vont d'une absence de démocratie, véritable, à un
système économique administré et difficilement pénétrable. Mais le but
ultime semble celui de vouloir exercer la pression sur la monnaie
chinoise, que Washington juge sous-valorisée volontairement par Pekin.
Derrière la « gentillesse » américaine se
cachent trois avantages pour la plus puissante économie du monde. S'il y
a une pression sur la demande du dollar, cela rendra cette monnaie plus
chère, et donc on verra les taux d'intérêt grimper aux Etats-Unis, avec
comme corollaire une explosion de la dette publique. De l'autre côté,
de nombreuses sociétés américaines sont présentes dans des pays
étrangers et il serait dommageable qu'elles ne puissent pas rapatrier
leurs gains du fait du manque de dollars. Le troisième argument est
surtout de maintenir la monnaie américaine au rang de réserve de change
par excellence. Cela contribue à contrer les velléités de la Chine qui
cherche à imposer son yuan renminbi.
Rappelons que de nombreuses entreprises
présentes sur les marchés africains se retrouvent confrontées à la
dépréciation des devises locales face au dollar. Si celles situées en
zone Franc CFA peuvent jouir de la stabilité du taux de change entre
cette monnaie et l'euro (monnaie européenne), il n'en est pas de même
pour les sociétés situées en Afrique du Sud ou au Nigeria, deux
importantes économies d'Afrique, où les monnaies se déprécient fortement
depuis l'apparition des premiers chocs liés aux Coronavirus.
Cette hégémonie monétaire américaine remet
à l'ordre du jour plusieurs débats sur la nécessité de renforcer les
instruments de réserves internationales du FMI, que sont les Droits de
Tirage Spéciaux (DTS), afin d’apporter une réponse plus efficace à la
crise financière qui secoue le monde actuellement. Les milliers de
milliards de dollars injectés ces dernières années par la FED et
d’autres banques centrales ne sont en effet pas parvenus à rompre le
cycle de hausse des inégalités, et à mieux préparer le monde aux
nouvelles formes de crises.
Idriss Ling
Par Agence Ecofin