
L’Inde prépare son déconfinement, prévu lundi prochain, et déjà les gouvernements régionaux
De notre correspondant à New Delhi,
Alors que l'Inde a entamé un déconfinement progressif,
dans l’État de l’Uttar Pradesh, qui est le plus peuplé du pays, le
gouvernement régional a suspendu pour trois ans toutes les lois de
protection de travailleurs, sauf quatre textes – ceux qui obligent,
entre autres, l’employeur à payer les ouvriers régulièrement et lui
interdisent de pratiquer l’esclavage.
Quatre autres États ont
suivi dans ces traces : le Goujarat, poumon industriel du pays, le
Madhya Pradesh, le Rajasthan et l’Himachal Pradesh. Tous, sauf un, sont
dirigés par le parti de la droite nationaliste hindoue du Premier
ministre. Au Goujarat, la journée de travail passera de 8 à 12 heures.
Au Madhya Pradesh, les entreprises de moins de 40 salariés ne seront
plus tenues de respecter les normes de sécurité industrielle, les
nouvelles usines seront exemptées des règles basiques d’accès aux
toilettes ou de congés payés, et enfin, elles n’auront plus besoin
d’informer le ministère du Travail en cas d’accident du travail.
Tirer partie de l’épidémie pour concurrencer la Chine
Une
partie de ces réformes doit encore être approuvées par le gouvernement
fédéral, mais il semble déjà qu’on assiste à un sabordage du droit du
travail indien.
Ce tournant ultra-libéral est justifié par l’arrêt de l’économie
à cause de la pandémie de Covid-19 qui a provoqué une crise économique
profonde. Il faut donc, pour ces gouvernements, lever tout frein à la
création d’entreprise ou à la reprise économique. Ces dirigeants
soutiennent aussi que c’est le moment pour l’Inde d’attirer les
entreprises qui n’ont plus confiance dans la Chine, d’où est parti le
coronavirus. Et pour cela, il faut sacrifier temporairement le droit du
travail.
Faible marge de manœuvre
Mais
les résultats de cette politique sont très incertains. D’abord, car les
conditions de travail sont déjà très précaires dans les usines
indiennes. Dans les petites unités, les ouvriers n’ont généralement
aucun contrat et peuvent être renvoyés du jour au lendemain. Moins d’une
usine sur six a déjà fait l’objet de contrôle, donc cet argument
administratif est également exagéré.
Et enfin, les coûts de
main-d’œuvre ne s’élèvent en moyenne qu’a 8% des coûts totaux de
production. Et près de la moitié des ouvriers réguliers gagnent moins de
120 euros par mois, donc les entreprises ne pourront pas réduire
beaucoup leurs revenus. Enfin, si les groupes occidentaux préfèrent la
Chine à l’Inde, c’est parce que les coûts d’infrastructures y sont moins
élevés, pas à cause d’un droit du travail plus flexible.
Les
syndicats nationaux ont prévu de s’opposer à ces réformes, mais si elles
sont entérinées, cela pourrait accroître les conflits sociaux et la
précarisation du prolétariat indien. Une population déjà ravagée par le
chômage forcé de ces deux derniers mois.
Par RFI