
Le président malgache Andry Rajoelina a accordé ce lundi 11 mai un
entretien à RFI et France 24. Il
répond aux questions de Christophe
Boisbouvier et Marc Perelman. L'OMS a récemment rappelé à l'ordre
certains dirigeants africains contre la tentation de promouvoir sans
tests scientifiques la tisane présentée par le président malgache comme
un remède contre le coronavirus, et livrée dans plusieurs pays du
continent.
Christophe Boisbouvier : Monsieur le président, bonjour.
Andry Rajoelina : Bonjour, c’est un plaisir d’être votre invité surtout en cette période de guerre contre le coronavirus.
Marc Perelman :
On va parler de ce que vous appelez cette « guerre » contre le
Covid-19. En plus du confinement, du port du masque, de la
distanciation, Madagascar se distingue par l’utilisation du Covid-Organics, un remède à base d’artemisia,
une plante à l’effet thérapeutique reconnue contre le paludisme. Vous
l’avez déjà envoyée dans plusieurs pays africains, mais est-ce que vous
avez des preuves que cela marche chez vous, que cela guérit des gens du
Covid-19 ?
A.R. : En
fait, effectivement, nous avons lancé ce remède à base de plantes
médicinales malgaches. Il faut noter qu’à Madagascar, nous avons
l’habitude et 80% de la population se soigne à travers le remède
médicinal. Ceci dit, le Covid-Organics est bien évidemment un remède
préventif et curatif contre le Covid-19 qui fonctionne très bien. Et
d’ailleurs, c’est le fruit des recherches réalisées par l’Institut
malgache de recherches appliquées [Imra], qui a le statut de centre
régional de recherche reconnu par l’Union africaine. Je tiens juste à
préciser que l’Imra est un centre de recherche médicale et
pharmaceutique, et de formation, fondé en 1957 par le professeur Rakoto
Ratsimamanga qui est une figure émérite de la science africaine.
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Vous parlez de « preuves » et j’ai parlé de « guerre »
tout à l’heure. La situation mondiale démontre aujourd’hui qu’il y a
presque 300 000 morts. Est-ce que cela nous permet d’ignorer une
possibilité de traitement ? Et quand nous sommes également en période de
guerre, quelle est la preuve qu’on peut démontrer et que nous pouvons
fournir actuellement ? C’est bien évidemment la guérison de nos malades,
parce qu’il est à noter qu’aujourd’hui, à Madagascar, on a eu 171 cas,
dont 105 guéris. Et la majeure partie de ces malades atteints du
coronavirus ont été guéris et vous me parlez de preuves. Comme preuve,
je tiens à vous dire que les patients qui ont été guéris ont pris
uniquement ce produit du Covid-Organics [appelé également Tambavy CVO].
En résumé, une nette amélioration de l’état de santé des patients ayant
reçu ce remède du Tambavy CVO a été observée en 24 heures seulement
après la première prise du Tambavy CVO. La guérison a été constatée
après sept jours, voire dix jours, de la prise du Tambavy CVO. Ce remède
est naturel, non toxique et non invasif.
C.B. :
Simplement tout le monde n’est pas convaincu par ces preuves dont vous
parlez. Et ce n’est pas n’importe qui. L’Union africaine (UA), la
Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), et
surtout l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le bureau Afrique de
l’OMS, ont multiplié les mises en garde ces derniers jours contre
l’illusion d’un remède-miracle. Non seulement l’OMS doute de
l’efficacité du Covid-Organics, mais elle craint des effets secondaires
pour les gens qui consomment cette tisane…
A. R. :
Vous me citez bien évidemment la mise en garde du docteur [Matshidiso]
Moeti, qui met en garde contre l’utilisation du Covid-Organics.
J’aimerais juste poser la question : est-ce que le Mediator [médicament
antidiabétique responsable de la mort de patients en France] avait reçu
et obtenu les autorisations ? Et ce que je demande comme question
aujourd’hui : combien de personnes sont mortes du médicament Mediator ?
Vous connaissez comme tout le monde la déclaration du professeur Bernard
Debré et celle de Philippe Even. Ils ont présenté presque plus de
58 médicaments fabriqués par des laboratoires prestigieux qui non
seulement ne soignent pas, mais selon leurs propres termes, sont « dangereux » et « mortels ».
Ces
médicaments ont été et sont distribués en Afrique et je n’ai jamais
entendu le docteur Moeti ou l’OMS faire une déclaration qui n’autorise
pas la prise de ces médicaments. Maintenant, comme je l’avais dit tout à
l’heure, nous, on utilise de la décoction. Quand on parle de décoction,
c’est une méthode, c’est l’action de faire bouillir dans l’eau des
plantes médicinales pour l’extraction des principes actifs. C’est notre
médecine traditionnelle qui est connue et reconnue pour ses effets. On
parle beaucoup dans ce remède de l’artemisia. Ce qui se pose
aujourd’hui, vous m’avez posé la question, mais j’ai une question quand
même à vous poser : si ce n’était pas Madagascar, mais si c’était un
pays européen qui avait découvert en fait ce remède, est-ce qu’il y
aurait autant de doutes ? Je ne pense pas. Ce que je peux vous dire
aujourd’hui, c’est que le cas des malades à Madagascar et aussi de ceux
qui ont pris ces médicaments, en fait aujourd’hui ce Tambavy CVO ou
cette décoction, nous avons eu des preuves que nous avons soigné nos
malades jusqu’ici.
M. P. : Justement, on va prendre
l’exemple de la France. L’Agence nationale de sécurité du médicament a
très récemment publié une mise en garde quant à l’achat de produits à
base d’artemisia, affirmant que les vertus thérapeutiques sont « fausses et dangereuses ».
Est-ce que vous avez l’impression que ces doutes, voire soupçons,
disons-le, de charlatanisme, viennent de l’Occident, voire peut-être des
lobbies pharmaceutiques occidentaux ?
A. R. :
Vous avez peut-être pu voir et regarder la déclaration du professeur
Montagnier, qui a quand même reçu le prix Nobel de la science et de la
médecine, comme quoi l’artemisia, c’est une piste pour guérir le
coronavirus. Cela est une chose. Mais vous avez aussi pu constater
l’étude du professeur Tu Youyou en Chine qui a pu extraire
l’artémisinine venant de l’artemisia. Donc, aujourd’hui, je ne comprends
pas pourquoi autant de questions, pourquoi autant de problèmes. Mais le
problème aujourd’hui avec le Covid-Organics n’est pas sa formule. Ce ne
sont pas des études cliniques qu’on fait semblant de ne pas connaître.
On dit du mal sur ce produit, sur le Tambavy CVO, alors qu’il ne fait
que du bien et qu’il ne sauve que des vies actuellement. Dans cette
bataille, on veut nous freiner. On veut nous décourager, voire même nous
interdire d’avancer.
M.P. : C’est qui « on » ?
A.R. :
Mais rien ne nous empêche d’avancer ni un pays ni une organisation.
« On », vous avez cité quelques organisations tout à l’heure, comme
l’Organisation mondiale de la santé. « On », c’est nous, Madagascar,
avec notre décoction que nous sommes en train [de faire] et personne ne
peut nous en empêcher. Nous sommes un pays souverain et nous sommes là
pour aider notre peuple, notre population, pour ne pas vraiment être
victime ou mourir de cette pandémie.
C.B. :
Simplement, ce que tout le monde vous demande, ce sont des essais
cliniques. Vous avez cité l’Institut malgache de recherches appliquées
(Imra), mais pour l’instant, cet institut n’a fait que des observations
cliniques, pas d’essais cliniques. Alors quand allez-vous les faire et
qui va les faire ?
A.R. : Alors,
il ne faut pas confondre essais cliniques et observations cliniques.
Nous actuellement, quand on parle de Tambavy CVO, on a le statut de
remède traditionnel amélioré. Quand on parle de statut de remède
amélioré, le système de validation est différent de celui d’un
médicament. On ne mène pas des essais cliniques, mais plutôt une
observation clinique, selon les indications du guide élaboré par l’OMS.
Et c’est ce que nous avons fait. Nous avons mené justement une
observation clinique. Un protocole d’études à observer et nous avons
regardé et nous avons fait une observation clinique sur l’effet et
l’état de santé des malades atteints du coronavirus. Donc, aujourd’hui,
nous avons respecté les normes éthiques reconnues universellement en
matière d’étude et de recherche cliniques.
C. B. :
Mais jeudi dernier, vous avez annoncé que des essais cliniques allaient
être bientôt conduits. Ils n’auront pas lieu finalement ?
A.R. :
Il y a deux choses. Il ne faut pas confondre. Il y a plusieurs
protocoles que nous avons mis en place. Premièrement, comme tous les
pays au monde, nous faisons face à cette pandémie. Nous sommes obligés
de trouver une solution pour guérir les malades. Et quand le professeur
[Didier] Raoult a annoncé l’efficacité de la chloroquine et de
l’azithromycine, nous y avons eu recours, et je voudrais d’ailleurs ici
le remercier car, sans sa solution proposée, nous n’aurions pas pu
sauver les premières victimes du coronavirus.
Après, nous savons
tous que l’administration de doses élevées de la chloroquine présentent
des effets secondaires et indésirables. Ce traitement a présenté des
risques de toxicité et exige une plus grande surveillance clinique. Le
deuxième protocole que nous avons adopté, c’était le Tambavy CVO ou la
décoction que je vous avais annoncée tout à l’heure, suivant les
principes d’études cliniques et d’observations suivant les
recommandations de l’OMS. La grande majorité des nouveaux patients qui
ont pris cette décoction a été observée, et bien évidemment le résultat
est là. Il n’y a pas de morts actuellement à Madagascar. Nous n’avons
fait que guérir nos patients. Mais vous avez parlé tout à l’heure
d’essais cliniques. Bien évidemment, nous avons un troisième protocole
et un essai clinique sur un médicament sous forme d’injection, différent
du remède que nous sommes en train de proposer actuellement. Cela fait
partie d’une coopération régionale et en collaboration avec des médecins
et des scientifiques aux Etats-Unis, et bien évidemment dans l’océan
Indien.
M.P. : L’institut malgache de
recherches appliquées refuse de révéler la composition exacte du
Covid-Organics parce qu’on imagine que cet institut ne veut pas se faire
doubler par un concurrent avant de déposer un brevet. Mais beaucoup de
Malgaches de l’intérieur du pays n’ont pas accès à ce remède. Alors,
pour qu’ils puissent le fabriquer eux-mêmes et donc se protéger, est-ce
que vous pouvez nous dire quelles sont, en plus de l’artemisia, les deux
autres plantes qui composent le Covid-Organics ?
A.R. : Bien évidemment, le
Covid-Organics, c’est basé essentiellement sur des plantes médicinales.
Majoritairement avec de l’artemisia à hauteur de 62%, mais aussi avec
des plantes endémiques médicinales malgaches. On ne peut pas encore le
dévoiler aujourd’hui. C’est le résultat que nous attendons aujourd’hui
et d’ailleurs, nous allons lancer vraiment des surveillances cliniques
au niveau régional actuellement. Si vous voulez, nous, nous avons notre
formule. Et comme je vous l’avais dit tout à l’heure, on travaille avec
l’Institut malgache de recherches appliquées. Là d’ailleurs, je tiens à
vous montrer le produit Madecassol qui est produit aujourd’hui par la
société Bayer qui fait une centaine de médicaments. Et cela, c’est le
fruit de recherches de l’Imra. Et c’est un médicament qui a été concocté
en 1961. Cela pour vous dire qu’il ne faut pas en fait sous-estimer les
scientifiques africains et les scientifiques malgaches. Nous sommes là,
et c’est vrai qu’aujourd’hui, il y a des questions qui se posent :
pourquoi, c’est quoi le problème du Covid-Organics ? Moi, je pense que
le problème, c’est que ça vient d’Afrique. Et on ne peut pas admettre,
accepter qu’un pays comme Madagascar, qui est le 63ème pays le plus
pauvre du monde, ait mis en place en fait cette formule, ce Tambavy CVO
pour sauver le monde. Mais là, c’est une guerre, mais ce n’est pas la
force militaire ou la puissance économique qui jouent actuellement. Mais
Dieu et le Seigneur nous a donné les plantes médicinales pour aider les
autres pays et le monde entier pour lutter contre cette maladie.
C.B. : Vous réclamez à la France la restitution des Îles Eparses,
ces quatre îles qui sont au large de vos côtes. Une commission mixte a
été mise en place il y a un an. Mais en octobre 2019, le président
français Emmanuel Macron s’est rendu sur l’une de ces quatre îles et a
dit : « Ici, c’est la France ». Est-ce que d’ici le 26 juin, date du soixantième anniversaire de votre indépendance, une solution peut être trouvée entre vos deux pays ?
A.R. : Notre
souhait était effectivement de trouver une solution pour la restitution
de ces îles à Madagascar. La deuxième réunion de la commission mixte
était prévue fin mars. Mais elle a été ajournée à cause du coronavirus.
Mais j’ai la foi et j’ai confiance dans notre capacité à trouver une
solution rapide qui satisfera notre demande de restitution.
C.B. : Plutôt la restitution ou plutôt un accord de cogestion avec la France ?
A.R. : Nous, on a réclamé la souveraineté de ces îles. Et on parle de restitution.
Par RFI