Une ancienne collaboratrice accuse le candidat démocrate de
l'avoir violée dans les couloirs du
Congrès américain dans les années
1990.
"J'ai le droit de dire : regardez les faits, vérifiez." Le candidat démocrate à la présidentielle américaine Joe Biden a formellement démenti l'accusation de viol portée par une de ses anciennes collaboratrices, Tara Reade. Dans un entretien à la chaîne MSNBC, vendredi 1er mai, l'ancien vice-président américain a balayé les allégations : "Cela n'est jamais arrivé, point à la ligne."
Tara Reade accuse le candidat de l'avoir pénétrée avec les doigts
dans un couloir du Congrès américain au début des années 1990.
L'accusation a été réfutée par l'entourage de Joe Biden à la mi-avril,
mais elle est devenue au fil des semaines un sujet majeur dans la
campagne électorale. Il y a un an, plusieurs femmes, dont Tara Reade,
avaient fait part de gestes à connotation sexuelle de la part du
candidat. Franceinfo revient sur ce que l'on sait de cette affaire.
Les faits déclarés sont prescrits
Selon
les accusations de Tara Reade, le viol a eu lieu en 1993. A cette
époque, la collaboratrice, âgée de 29 ans, travaille au sein de l'équipe
de Joe Biden à Washington. Elu du Delaware depuis plus de vingt ans, le
sénateur y préside la commission des affaires juridiques. Tara Reade
est chargée de la supervision des stagiaires.
Dans un podcast*,
elle raconte s'être retrouvée seule avec lui dans un couloir alors
qu'elle devait le rejoindre pour lui donner son sac de sport. Selon
elle, il l'a poussée contre un mur et a commencé à lui embrasser le cou
et les cheveux, sans véritable "échange de mots". Il a ensuite
glissé sa main sous son chemisier et a utilisé son genou pour écarter
ses jambes avant de la pénétrer avec ses doigts, précise-t-elle au New York Times* (article en anglais). "Tout est arrivé d'un coup, tout s'est passé très rapidement", décrit-elle.
Il était en train de m'embrasser quand il m'a dit tout bas : 'Veux-tu aller ailleurs ?'Tara Readeau "New York Times"
Tara Reade repousse le politicien, qui, interloqué, lui lance : "'Allez, j'ai entendu dire que tu m'aimais bien'", affirme-t-elle. "Il a ensuite pointé son doigt vers moi et m'a dit : 'tu n'es rien pour moi'."
Le viol déclaré ayant eu lieu il y a vingt-sept ans, les faits sont
prescrits et Joe Biden ne peut pas être poursuivi, précise la radio NPR*.
Plusieurs proches disent avoir été avertis
Une amie a affirmé anonymement à CNN*
avoir été mise au courant de cette accusation alors qu'elle était
également en stage au Sénat au début des années 1990. Selon son
témoignage, Tara Reade lui a fait part à plusieurs reprises de gestes à
connotation sexuelle entrepris par Joe Biden, qui la mettaient mal à
l'aise. Elle lui a confié qu'elle avait averti ses supérieurs, mais que "rien n'avait été fait".
Une responsable du cabinet de Joe Biden de l'époque a, elle, affirmé
n'avoir jamais été mise au courant. L'amie assure qu'après avoir quitté
Washington, elle a reçu un appel de Tara Reade en 1993 dans lequel elle
lui a dit avoir été violée.
Après avoir quitté le Congrès, Tara Reade déménage en Californie. Dans un entretien à Business Insider*, une ancienne voisine raconte avoir également été mise au courant
"en 1995 ou au début de 1996". "Je suis sortie devant ma maison fumer
une cigarette et c'est là que j'ai commencé à discuter avec Tara. Elle a
commencé à me parler de Joe Biden, je ne connaissais pas grand-chose de
cet homme, relate-t-elle. Elle m'a dit qu'il l'avait poussée
contre un mur, qu'il avait mis sa main sous sa jupe, qu'il l'avait
pénétrée avec les doigts et qu'elle devait maintenant en gérer les
conséquences."
Tara Reade a également affirmé que sa mère était au courant des faits. Fin avril, le site The Intercept*
publie une vidéo de l'émission "Larry King Live" datant de 1993. Le
thème de l'émission ce soir-là est "Washington : ville la plus cruelle
sur Terre ?". Un appel est reçu de San Luis Obispo, en Californie, où
vit la mère de Tara Reade (décédée depuis). La téléspectatrice demande :
"De quel recours dispose un employé parlementaire à Washington, à part
contacter les médias ? Ma fille vient de quitter son poste après avoir
travaillé pour un sénateur très connu, elle a choisi de ne pas parler
aux médias par respect pour lui." Tara Reade a ensuite confirmé qu'il s'agissait de la voix de sa mère.
Tara Reade affirme avoir déposé une plainte au Sénat en 1993
Lors
de ses déclarations, Tara Reade a précisé avoir déposé une plainte aux
services du Sénat après les faits en 1993, mais n'a pas pu fournir de
copie du document, selon le New York Times*. Interrogé par le Washington Post et le New York Times,
d'anciens collaborateurs de Joe Biden démentent avoir été mis au
courant. Marianne Baker, adjointe de Joe Biden de 1982 à 2008, assure
n'avoir "jamais été témoin, ni entendu parler, ni reçu de rapports de conduite inappropriée − ni de madame Reade, ni de personne."
Je n'ai absolument aucune connaissance ni souvenir des faits allégués par madame Reade, faits qui m'auraient marqués en tant que femme et professionnelle.Marianne Bakerau "Washington Post"
Selon le Washington Post,
Tara Reade a précisé qu'elle avait porté plainte auprès du bureau des
ressources humaines du Capitole par rapport à sa "situation" dans
l'équipe de Joe Biden et au comportement de ses collaborateurs, mais pas
spécifiquement au sujet d'un viol. Le bureau des ressources humaines a
depuis été transformé en un autre service.
De son côté, Joe Biden a
demandé au Sénat de retrouver cette plainte dans les Archives
nationales, qui répertorient les documents produits et reçus par les
institutions du gouvernement américain. "Je n'ai rien à cacher",
a-t-il affirmé, sans aller jusqu'à demander qu'on recherche dans toutes
les archives de son passage au Sénat – entreposées à l'université du
Delaware – et qui ne contiendraient pas de "documents privés", selon lui.
Un signalement déposé à la police cette année
Après
avoir rendu publiques ses accusations, Tara Reade a subi de nombreuses
menaces en ligne. Elle a présenté un rapport à la police de Washington
le 9 avril, dans lequel elle affirme avoir été "victime d'une agression sexuelle" en 1993, mais sans citer le nom de Joe Biden. "Ce rapport est classé", indique un porte-parole de la police à l'Agence France Presse, sans donner plus de précisions.
Selon le journal conservateur Washington Examiner*, Tara Reade a présenté ce rapport afin de démontrer qu'elle était prête à coopérer en cas d'enquête.
"Je l'ai fait pour des raisons de sécurité et aussi pour montrer que je
coopérerais avec les forces de l'ordre pour toute enquête en cours ou à
venir, et sous serment."
Joe Biden clame son innocence
Après plusieurs semaines de silence, Joe Biden a finalement répondu aux accusations le 1er mai et a nié toutes les allégations. "Ces [accusations] ne sont pas vraies. Cela n'est jamais arrivé, a-t-il répété à la télévision.
Je ne vais pas remettre en cause ses motivations. (...) Je ne vais pas
la mettre en cause ou l'attaquer. Elle a le droit de dire ce qu'elle
veut", a-t-il poursuivi. Il a rappelé qu'il avait coprésenté une
loi adoptée en 1994 pour lutter contre les violences faites aux femmes
et qu'il avait participé, sous la présidence de Barack Obama, à la lutte
contre les agressions sexuelles dans les universités.
Plusieurs
personnalités démocrates lui ont apporté son soutien. Nancy Pelosi, la
présidente de la Chambre des représentants, a loué ses mérites. "J'ai un total respect pour le mouvement #MeToo dans son ensemble, a-t-elle expliqué. Il
y a aussi des procédures et le fait que Joe Biden est Joe Biden. Il est
l'incarnation de l'espoir, de l'optimisme et de l'authenticité pour
notre pays, un homme de grande valeur." Hillary Clinton a également soutenu le candidat : "J'aimerais que vous soyez président en ce moment."
Le
candidat démocrate a également reçu le soutien de son principal rival,
le président Donald Trump, candidat républicain à sa réélection. "Je dirais juste à Joe Biden : lève-toi et bats-toi", a commenté Donald Trump après avoir suggéré plus tôt qu'"il pourrait s'agir de fausses accusations". Le président américain a fait lui-même l'objet d'une dizaine d'accusations, allant du harcèlement au viol, pendant la campagne présidentielle de 2016.
Par Franceinfo