
Un groupe représentant les
travailleurs migrants au Canada dénonce des conditions de travail
inhumaines et dangereuses et réclame une meilleure protection après la
mort de deux travailleurs saisonniers en lien avec la COVID-19 et des
centaines d'infections signalées.
Manque
de nourriture, d’eau chaude, de repos et d'équipement de protection
individuelle : la liste des mauvais traitements signalés par la Migrant
Workers Alliance for Change (MWAC) est longue.
Dans un rapport publié lundi, la coalition canadienne
dresse un portrait pitoyable des conditions de vie et de travail dans
les exploitations agricoles qui emploient quelque 60 000 travailleurs
étrangers au pays.
Le document publié lundi fait état d’une gamme de mauvais
traitements, dont du racisme, la surcharge de travail et le vol de
salaires.
Le directeur général de la Migrant Workers Alliance for Change (MWAC
), Syed Hussan, décrit les conditions de vie dans une ferme touchée par une éclosion de COVID-19 :
quarante travailleurs étaient logés dans un seul dortoir avec une seule douche entre eux, dans les fermes Scotlynn
.
Au moins 164 travailleurs des fermes Scotlynn du comté de
Norfolk ont reçu un diagnostic positif après avoir subi un test de
dépistage de la COVID-19, selon les autorités locales de santé publique.
Un quart des travailleurs sondés par la MWAC
affirment ne pas avoir été payés pendant leur période de quarantaine.
Or, selon les lignes directrices établies par le
gouvernement fédéral pour les employeurs de travailleurs étrangers
temporaires concernant la COVID-19,
l’employeur doit les payer pour au moins 30 heures par semaine au taux de salaire horaire précisé [...] dans l’offre d’emploi
pendant la période de quarantaine.Des conditions inhumaines et dangereuses
Directement ou par le biais d'un collègue, 1162 travailleurs ont témoigné de leur expérience.
Selon la MWAC
,
les 180 travailleurs agricoles étrangers qui ont offert leur témoignage
parlaient aussi au nom de 982 collègues qui avaient difficilement accès
à des téléphones ou à Internet.
Parmi eux, 873 sont des travailleurs des Caraïbes, 289 viennent de pays hispanophones et 120 sont des femmes.
Neuf travailleurs signalent avoir été logés dans une maison où vivaient des chiens avant leur arrivée. Leur logement
sentait l'urine de chien et n'avait pas été nettoyé avant l'arrivée des travailleurs
, peut-on lire dans le document.
Un autre groupe de travailleurs a indiqué
qu’aucun
sèche-linge ou machine à laver n’avait été fourni et qu’ils n’avaient
pas reçu d’argent de l’employeur pour les frais de blanchisserie
comme l’exige le Programme des travailleurs agricoles saisonniers.
Au
moins la moitié des répondants ont affirmé avoir eu un manque d’accès à
la nourriture. Certains disent avoir été obligés de se rendre en ville
pour s’en procurer, alors qu’ils n’avaient pas terminé leur période de
confinement.
Dans une ferme de pêches et de raisins dans la région du
Niagara, 16 travailleurs ont déclaré n’avoir reçu qu'une seule miche de
pain et une boîte d'œufs pour nourrir le groupe pendant deux jours.
Une autre exploitation agricole du Niagara, un vignoble, n'aurait fourni que
deux petits sacs de tortillas et un carton d'œufs pour nourrir 20 travailleurs
, indique le rapport.Les travailleurs agricoles saisonniers veulent la résidence permanente
Selon
Syed Hussan, les travailleurs agricoles venus de l'étranger hésitent à
refuser des conditions de travail inacceptables parce qu'ils dépendent
de leur employeur pour conserver leur statut de travail au Canada.
Les gens sont piégés.
Ils
sont dans une situation où ils tombent malades, mais ils ne peuvent
rien faire parce qu’ils risquent d'être licenciés, de devenir sans-abri,
d’être expulsés du Canada et de ne pas pouvoir revenir dans ce pays à
l'avenir
, soutient le directeur général de l’organisme.
MWAC réclame le statut de résident permanent pour les travailleurs migrants au Canada, sans lequel
ils ne peuvent pas faire valoir leurs droits
, estime M. Hussan.
Vendredi dernier, un deuxième travailleur mexicain, âgé de 24 ans, est mort des suites de la COVID-19 dans la région de Windsor-Essex, dans le Sud-Ouest de l'Ontario. Selon M. Hussan,
ce n'est pas une tragédie inévitable. C’est le résultat direct des lois fédérales et provinciales sur l'immigration
.Les travailleurs agricoles temporaires viennent au Canada depuis 53 ans
, insiste-t-il en ajoutant que c'est un besoin permanent, et cela nécessite une solution permanente, en l’occurrence le statut de résident permanent
.
Le ministère de l'Immigration du Canada a été contacté à ce sujet, mais n'a pas encore donné suite à la requête de Radio-Canada.
Nicolas Haddad
Par radio-canada.ca