La Corée du Nord aime souffler le chaud et le froid. Après le
dynamitage le 16 juin de l’immeuble du
bureau de liaison entre le Nord
et le Sud dans la ville de Kaesong ordonné par Pyongyang, qui promettait
des « actions militaires » non spécifiées, l’agence de presse
nord-coréenne KCNA a annoncé, mercredi, que le dirigeant Kim Jong-un
avait décidé de suspendre toute opération militaire contre le Sud.
Cette décision a été prise, la veille, au cours d’une réunion
préliminaire de la commission militaire centrale du Parti du travail,
instance suprême des affaires militaires, au cours de laquelle était
examiné l’ordre du jour de la prochaine session. Toute action militaire
requiert l’aval de cet organe.
Cette désescalade soudaine décidée
par Kim Jong-un fait retomber temporairement la tension dans la
péninsule et ouvre la porte à une possible reprise du dialogue
intercoréen. Toute action de Pyongyang à la veille du 70e anniversaire
du déclenchement de la guerre de Corée, le 25 juin 1950, aurait eu un
impact symbolique particulier.
« Prenant en compte la situation
présente, la commission militaire centrale suspend les actions
militaires contre le Sud », écrit KCNA, en précisant que sera examiné au
cours de la prochaine réunion « un renforcement de la force de
dissuasion nationale ». L’ambiguïté de la formulation ne permet pas de
savoir si les actions contre le Sud ont été simplement retirées de
l’ordre du jour, différées ou abandonnées.
Lundi, Pyongyang
annonçait encore se préparer à renouer avec une des tactiques favorites
de la guerre psychologique à laquelle se livrent les deux Corées depuis
des décennies : lancement de trois millions de ballons à travers la zone
démilitarisée (DMZ) qui sépare les deux Corées et réinstallation des
gigantesques haut-parleurs qui bombardent le Sud de décibels de
propagande. « L’heure de la punition a sonné », proclamait KCNA. La
Corée du Nord menaçait d’occuper des sites de la coopération
intercoréenne désormais au point mort, de réinstaller des postes de
garde dans la DMZ ou encore d’intensifier des manœuvres militaires.
Stagnation des pourparlers
Depuis
début juin, la République populaire démocratique de Corée (RPDC) s’est
lancée dans une nouvelle escalade contre le Sud, annonçant qu’elle
mettait un terme au dialogue intercoréen amorcé en 2018 lors des
rencontres entre le président Moon Jae-in et le dirigeant Kim Jong-un.
Le 9 juin, Pyongyang avait rompu les canaux de communication avec le
Sud, cessant notamment de répondre à l’appel quotidien passé sur le
réseau militaire entre les deux pays. Le Nord avait pris prétexte du
lancement de ballons de propagande par des transfuges depuis le Sud,
qualifié d’« insulte intolérable ». Au cours de ses entretiens avec Kim
Jong-un, le président Moon s’était engagé à les faire cesser. Engagement
que ce dernier n’a pas tenu.
La RPDC est surtout mécontente de la
stagnation des pourparlers avec les Etats-Unis, estimant que, depuis
l’échec en février 2019 du sommet de Hanoï entre Donald Trump et Kim
Jong-un, Séoul n’a rien fait pour relancer le dialogue ni amoindrir
l’effet des sanctions onusiennes.
Les menaces d’actions contre le
Sud de ces deux dernières semaines avaient été faites au nom de Kim
Yo-jong, la sœur et plus proche collaboratrice de Kim Jong-un. Le
dynamitage du bureau de liaison a été rondement mené. Mais, en retrait,
le dirigeant conservait une marge de manœuvre diplomatique dont il use
aujourd’hui – quitte à revenir à la stratégie de la tension quand il le
jugera nécessaire
Philippe Pons
Par Le Monde.fr