
Selon la Banque mondiale, l’Afrique
connaitra sa première récession depuis plus de 25 ans, avec
une
croissance annuelle qui devrait passer de 2,4% à -2,1%, voire -5,1%.
Avec des économies, pour la plupart largement dépendantes des
exportations, notamment minières, la baisse de la production et la chute
des prix des matières premières seront d’importants catalyseurs. C’est
du moins ce qu'indique la firme d’analyse financière Fitch Solutions
dans un rapport paru fin avril et qui revoit à la baisse les prévisions
de production minière pour 15 pays du continent.
Un secteur vital pour plusieurs économies du continent
L’industrie minière représente en Afrique une manne
financière pour les différents Etats. Que ce soient en matière de
redevances minières, de recettes fiscales ou de revenus d’exportation,
plusieurs pays dépendent largement des profits tirés du sous-sol pour
leurs différents budgets annuels.
Au Ghana par exemple, leader africain dans la
production de l’or, les recettes fiscales générées par le secteur en
2018 ont atteint 2,36 milliards de cedis (406,1 millions $) alors que
les recettes d’exportation étaient de 6 milliards de dollars en 2017,
soit la première source de devises étrangères de l’ex-Gold Coast. En
2018, le secteur minier a représenté près de la moitié (39%) du total
des recettes d’exportations de marchandises contre 31% pour le pétrole
brut et 14% pour le cacao.

L’exportation d’or est la première source de devises du Ghana.
La situation ne diffère pas beaucoup chez d’autres
grands noms du secteur minier comme l’Afrique du Sud, premier producteur
mondial de métaux du groupe de platine et important producteur africain
d’or et de diamants. Les mines contribuent à hauteur de 8% au produit
intérieur brut (PIB) et représentent l’un des principaux secteurs
pourvoyeurs d’emplois.
La RDC ne manque pas non plus à l’appel avec une
contribution record des mines à l’économie, selon le rapport 2015 de
l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE),
paru en décembre 2017. Le document indique que le secteur extractif
représente 97,5 des exportations, 24,7% des recettes courantes et 20% du
PIB. Toutes ces données étayent bien le rôle majeur que jouent les
mines au sein des économies du continent, révélant dans le même temps
l’impact dramatique que pourrait avoir une chute de la production ou des
exportations.
Lire aussi : 14/02/2020 - Coronavirus : ces pays africains miniers qui ont des raisons de s’inquiéter pour leur économie
L’or, seul motif de satisfaction
Depuis la déclaration de l’OMS en début d’année
signifiant que l’épidémie de Covid-19 était une pandémie mondiale, le
cours de l’or, déjà sur une tendance haussière depuis quelques mois, n’a
cessé de croître. Le métal jaune se négocie actuellement autour de
1 600 $ sur les marchés mondiaux, avec une demande qui a légèrement
progressé au premier trimestre, selon le World Gold Council. Ainsi, des
pays producteurs comme le Ghana qui a vu ses prévisions de croissance
passer de 4 à 2%, la Côte d’Ivoire (5 à 3%), le Burkina Faso (7 à 4%) ou
encore la Tanzanie (8 à 5%) devraient normalement s’en tirer à bon
compte grâce à l’excellent prix de l’or. Pour des pays comme l’Afrique
du Sud où la production d’or devrait baisser de 2,9% (à cause d’un
confinement imposé entre mars), ou le Mali (croissance de 0,8% contre
1,2% précédemment), la situation sera plus difficile, mais pas
catastrophique. Et c’est bien vers une catastrophe que se dirigent les
autres pays pris en compte dans le rapport de Fitch, notamment les
exportateurs de métaux de base comme le fer ou le cuivre, mais aussi les
producteurs de pierres précieuses.

L’ impact du Coronavirus sur les prix des minéraux (source : Fitch)
Les grandes victimes : les métaux de base, le diamant, le cobalt...
S’il existe bien un pays qui subira de plein
fouet les conséquences de la pandémie, c’est la RDC. Premier producteur
de cuivre sur le continent et leader mondial dans la production de
cobalt, le pays devrait assister à une chute drastique de sa production
minière, cette année. Fitch avait déjà indiqué dans un précédent rapport
une baisse de 15% pour la production de cuivre et de 10% pour celle de
cobalt, en raison notamment de la suspension de la production à la mine
Mutanda (Glencore). Si de grandes perturbations ne sont pas encore à
signaler sur les sites miniers dans le pays, Fitch table sur une
augmentation des cas positifs, ce qui devrait aboutir à des restrictions
plus strictes et une chute de la production.
Si de grandes perturbations ne sont pas encore à
signaler sur les sites miniers dans le pays, Fitch table sur une
augmentation des cas positifs, ce qui devrait aboutir à des restrictions
plus strictes et une chute de la production.
« Bien que les infections en Afrique subsaharienne
aient jusqu’à présent pris du retard par rapport à d’autres régions, il y
a des chances que le taux de contamination augmente dans les prochains
mois », a souligné la société qui a en conséquence revu ses
prédictions, prévoyant une production en baisse de 15% pour le cobalt et
de 18% pour le cuivre. Cela représenterait des millions de dollars de
manque à gagner pour les caisses de l’Etat, entraînant probablement
l’économie dans une grave crise.

Fitch prévoit une production africaine de cuivre en baisse de 18%.
L’autre grand producteur de cuivre du continent, la
Zambie, sera également affecté par les effets du Covid-19. Les
prévisions qui indiquaient là aussi un recul de 1% de la production du
métal rouge font désormais état d’une chute de 4%.
En ce qui concerne un pays comme l’Angola, déjà
affecté par la chute des prix des produits pétroliers, la crise
économique semble inéluctable avec les nouvelles prévisions dans le
secteur minier. Il faut dire qu’avec une croissance de 5% annoncée par
Fitch pour le diamant et un objectif annuel de 10 millions de carats
fixé par la compagnie nationale Endiama, tous les voyants étaient au
vert pour le sous-secteur avant l’arrivée du virus. Au lieu de croître
de 5%, la production de diamants pour 2020 devrait connaitre un recul de
2%.

Au lieu de croître de 5%, la production de diamants de l’Angola devrait reculer de 2%.
Même son de cloche du côté du Botswana, premier
producteur africain de diamants, qui devrait assister à une baisse de 6%
de sa production, en raison notamment des restrictions mises en place
pour lutter contre la pandémie. Au Zimbabwe également, la production de
diamants censée croître précédemment de 10% ne devrait connaitre
finalement qu’une hausse de 6%.
D’autres pays comme l’Afrique du Sud avec une baisse de
la production de charbon (-2,3%) et de platine (-2,5%), la Namibie dont
la production d’uranium et de diamants devrait également chuter, mais
aussi la Guinée (3% de croissance pour le fer contre 6% précédemment),
seront affectés, mais dans des proportions moindres. C’est également le
cas du Liberia et de la Mauritanie qui verront respectivement leur
production de fer et d’or diminuer.
Louis-Nino Kansoun
Par Ecofin Hebdo