
L’inquiétude est vive au Koweït, où l’émir Sabah al-Ahmad al-Sabah, 91
ans, est hospitalisé depuis
samedi. Certains des pouvoirs du "médiateur
du Golfe", qui a su imposer son pays sur la scène diplomatique de la
région, ont été transmis à son prince héritier jusqu’à nouvel ordre.
L’annonce de l’hospitalisation, le 18 juillet, de l’émir du Koweït,
le cheikh Sabah al-Ahmad al-Sabah, a plongé le pays dans l’incertitude.
Le monarque, qui devait officiellement "subir des examens médicaux", a
finalement subi une opération chirurgicale "avec succès", a annoncé dimanche l’agence de presse officielle Kuna.
En
parallèle, certains des pouvoirs de l'émir, au pouvoir depuis 2006, ont
été "temporairement" transféré à son prince héritier et demi-frère, le
cheikh Nawaf Al-Ahmad Al-Jaber Al-Sabah.
La santé fragile de
l’émir, âgé de 91 ans et doyen des chefs d'État arabes, est souvent au
cœur des inquiétudes dans la monarchie du Golfe, la première à s'être
dotée d'un Parlement élu en 1962, mais aussi chez les acteurs régionaux
et internationaux, comme les États-Unis.
Si le pays, malgré la
popularité de l’émir, est fréquemment paralysé par des crises politiques
récurrentes, avec des changements de gouvernements et des dissolutions du Parlement à répétition, à l’étranger, le cheikh Sabah al-Ahmad al-Sabah est parvenu à faire jouer au Koweït un rôle essentiel de médiation.
Ayant
occupé, avant de monter sur le trône, les postes de ministre des
Affaires Étrangères (de 1963 à 2003), il jouit d’une longue tradition
diplomatique de neutralité et de non-alignement qui s’illustre
précisément dans le Golfe, théâtre de tensions régionales avec l'Iran,
où le Koweït dispose d’une représentation diplomatique, et de frictions
entre le Qatar et les pétromonarchies voisines, à commencer par l’Arabie
Saoudite.
Dialogue et apaisement
Alors que le Conseil de coopération du Golfe (CCG) était sur le point
d’imploser, en 2017, après la grave crise ayant vu l'Arabie saoudite,
les Émirats arabes unis et Bahreïn rompre leurs relations avec Doha,
l’émir du Koweït, en première ligne dans les négociations, joue la carte de l’apaisement et annonce avoir empêché une escalade militaire.
Si
la médiation de l’émir a échoué à libérer le Qatar de l’embargo imposé
par ses voisins, qui l’accusent de soutenir des mouvements islamistes et
de se rapprocher de l'Iran, le Koweït reste aujourd’hui le principal
interlocuteur de l’émirat gazier dans la région, avec le sultanat
d'Oman. Après l'annonce de son hospitalisation samedi, il a d’ailleurs
reçu des appels téléphoniques du roi Salmane d'Arabie saoudite et de
l'émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani..
Mais le cheikh Sabah al-Ahmad al-Sabah, descendant de la dynastie des Al-Sabah qui règne depuis la moitié du XVIIIe siècle
sur le petit émirat qui jouit d'énormes revenus pétroliers, est surtout
un allié essentiel des États-Unis dans la région.
Le Koweït,
libéré par une coalition chapeautée par Washington après l'invasion
irakienne en 1990, entretient une coopération constante avec l’armée
américaine. Les deux pays sont d’ailleurs liés par un accord de défense
(DCA) depuis 1991, en vertu duquel les États-Unis maintiennent plus de
13 000 militaires dans l’émirat, point de transit stratégique pour les
troupes ayant servant en Irak et en Afghanistan. Les Américains
disposent également de plusieurs bases dans le pays, dont celle
d'Arifjan, située à 70 km au sud de la capitale Koweït City.
Une
alliance sécuritaire souvent critiquée par les ONG internationales de
défense des droits de l’Homme qui dénoncent fréquemment des violations de la liberté d'expression et une politique de répression contre toute forme de dissidence politique au Koweït, malgré le pluralisme de son système monarchique parlementaire.
Par Marc DAOU