Les déclarations du professeur Didier Raoult devant la commission
d’enquête sur la gestion de
l’épidémie de l’Assemblée nationale, le
24 juin, continuent de faire des vagues au sein de la communauté
scientifique. Alors que, mercredi, Martin
Hirsch, le directeur général de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris
(AP-HP) a accusé le microbiologiste marseillais de « faux témoignage », le conseil scientifique dénonce, à son tour, ce jeudi 2 juillet, des propos « infamants » qui relèveraient de la « calomnie ».
De
son côté Dominique Le Guludec, la présidente de la Haute autorité de
Santé (HAS), pointe elle aussi du doigt les propos « vague(s) et non
étayé(s) » du patron de l’IHU Méditerranée devant les députés.
« A
la suite des déclarations du Pr. Raoult devant la commission d’enquête
le 24 juin 2020, les membres du Conseil scientifique Covid-19
considèrent ses propos et insinuations comme infamants et dépourvus de
fondements », détaille ainsi le courrier adressé à l’Assemblée
national, signé par Jean-François Delfraissy, le président du conseil
scientifique, que le gouvernement avant mandaté début mars pour l’accompagner dans sa gestion de la crise sanitaire.
« Les membres du Conseil scientifiques souhaitent vous faire
par de leur vive réprobation à l’endroit d’allégations sans fondements
tenues par le Pr. Raoult pourtant sous serment, ainsi que des propos
manifestement outranciers dont les intentions et les prétentions ne lui
semblent plus guère relever du registre de la science, ce qu’ils ne
peuvent que regretter s’agissant d’un scientifique », insiste la
lettre, adressée au président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand,
à la présidente de la commission d’enquête, Brigitte Bourguignon, et à
son rapporteur, Eric Ciotti.
Info : JF Delfraissy, président du Conseil Scientifique répond aux accusations de D.#Raoult dans une lettre à la co… https://t.co/wr78zsSTDK
—stephdepierre(@Stephanie Depierre)
« Intention de tromper »
Le 24 juin, interrogé par les députés,
Didier Raoult avait très sévèrement attaqué la gestion de la crise par
les autorités et les conflits d’intérêt dans la recherche, estimant que
les « conflits d’intérêts » au sein des instances de recherche médicale et du Conseil scientifique étaient de « nature à changer le jugement des choses ». Notamment en raison des « relations de familiarités » entre certains détracteurs de l’hydroxychloroquine et le laboratoire Gilead, fabricant du Remdesivir, une molécule concurrente à l’hydroxychloroquine dans le traitement du Covid-19.
« Faites une enquête sur Gilead ! », avait notamment lancé Didier Raoult.
Dans son courrier daté du 30 juin, le conseil scientifique rappelle que les déclarations d’intérêts de ses membres sont « publiques et facilement consultables »,
conformément à la loi et au « règlement intérieur du conseil
scientifique ». La missive précise également qu’en l’absence d’un
traitement validé au niveau international pour soigner le Covid-19, le
conseil scientifique n’a pas eu à se prononcer sur l’usage de
médicaments et « n’a pu en conséquence constater de conflit d’intérêts exigeant un éventuel déport d’un ou plusieurs de ses membres ».
« Cette situation pourrait bien évidemment évoluer si des options thérapeutiques ou vaccinales étaient validées et disponibles », précise le courrier, selon lequel la « confusion » entretenue par Didier Raoult face aux députés, entre les « notions pourtant bien distinctes de liens et de conflits d’intérêts », avait une certaine forme « d’intention de tromper » vis-à-vis des membres de la Commission.
Décisions « prises sans aucune donnée sur la table »
Contacté par « L’Obs », l’entourage de Didier Raoult assure « disposer de tous les éléments pour appuyer les propos » du microbiologiste face à la commission d’enquête. « Ce n’est pas au conseil scientifique de déterminer s’il est concerné par un conflit d’intérêts »,
ajoute-on, comme pour enfoncer le clou après des semaines de tensions
larvées entre le professeur marseillais et le conseil scientifique.
Face aux députés, le 24 juin, le principal intéressé était d’ailleurs revenu sur les conditions de sa mise en retrait du conseil au début du mois de mars évoquant une « incompatibilité génétique » et un dialogue « impossible » entre lui et le reste des scientifiques convoqués à l’Elysée par Emmanuel Macron dès le 5 mars :
« Je
me suis retrouvé au milieu d’un groupe qui, visiblement, se connaissait
bien et avait l’habitude de travailler ensemble. J’étais un peu comme
un ovni, un extraterrestre (…) Un conseil scientifique, je sais ce que
c’est. Et ce n’est pas ça. Là, les décisions ont été prises sans aucune
donnée sur la table […] C’était un type qui demandait à un autre ce
qu’il pensait de ci ou ça. Je me suis vite fâché, mais comme j’ai voulu
éviter de rendre ma désapprobation publique, je n’ai pas démissionné. »
Lucas Burel
Par L'OBS