Le plan de Donald Trump était clair. L'épidémie de coronavirus
allait se calmer, l'économie repartirait
et son grand meeting de Tulsa,
fin juin, relancerait sa campagne à quatre mois de la présidentielle.
Mais rien de tout cela n'est arrivé. Le grand raout du président a fait
un bide - 6.000 partisans à peine et des tribunes clairsemées - et le
Sud des Etats-Unis a été submergé par le Covid-19, faisant planer une
ombre sur la reprise économique. A presque 100 jours du scrutin, le
président américain est aux abois. Mercredi, il a même remplacé son
directeur de campagne.
Le même jour, un sondage de Quinnipiac University
a donné 15 points d'avance à Joe Biden au niveau national (52% - 37%).
C'est beaucoup plus que la marge de 8 à 11 points avec laquelle le
démocrate devance généralement Trump selon les derniers sondages. Dans
les Etats clés qui feront basculer le scrutin, le président américain
est aussi mal en point : Joe Biden le devance en Floride, en
Pennsylvanie, dans le Michigan et le Wisconsin notamment. La course est
serrée dans certains bastions républicains, comme le Texas ou l'Arizona,
ce qui va forcer le milliardaire à y faire campagne, et donc à y perdre
un temps précieux et beaucoup d'argent. Selon le modèle prédictif de The Economist, Biden a aujourd'hui 93% de chances d'être élu président.
Des mauvais sondages
Avec
la crise du Covid-19, le président a perdu gros. Son principal argument
de campagne - l'économie - s'est écroulé. Et, confronté pour la
première fois de son mandat à une crise d'ampleur, le président
américain a été sanctionné dans les enquêtes d'opinion. Début avril, les
Américains étaient encore partagés sur sa gestion de la pandémie, selon
la moyenne réalisée par le site FiveThirtyEight. Désormais, ils ne sont
plus que 38% à l'approuver. L'épidémie complique aussi la tâche de
Donald Trump en l'empêchant de mener campagne normalement, notamment en
remplissant d'immenses salles de meeting, ce qui avait été sa force il y
a quatre ans.
Certains observateurs de la vie politique américaine commencent même
à faire des parallèles avec Jimmy Carter et George H.W. Bush, les deux
derniers présidents à ne pas avoir été réélus. Comme Donald Trump, ces
deux hommes ont connu une dégringolade dans les sondages juste avant ou
pendant l'été. Alors que début mai le milliardaire recueillait 49%
d'approbations, selon Gallup, le baromètre de référence aux Etats-Unis,
sa cote de popularité est tombée à 38% aujourd'hui. Dans ces conditions,
peut-il espérer l'emporter le 3 novembre prochain? Les arguments ne
sont pas nombreux, mais Donald Trump a encore des raisons d'y croire.
Des retournements de situation
Tout
d'abord, il a déjà renversé une élection que d'aucun pensait jouée
d'avance, en 2016. A cette époque, Hillary Clinton dominait le duel avec
Donald Trump dans quasiment tous les sondages. Cette année-là, déjà, le
milliardaire avait changé (deux fois) de directeur de campagne avant de
trouver celui qui le mènerait à la victoire : Steve Bannon. Mercredi,
pour sa première déclaration comme directeur de campagne, Bill Stepien a
annoncé la couleur en critiquant les récents sondages : "Les mêmes
sondages médiatiques qui avaient convaincu le monde qu'Hillary Clinton
serait élue en 2016 tentent à nouveau le même tour en 2020. Cela ne
marchera pas", a-t-il fait savoir.
Par ailleurs, l'avance de Joe Biden n'est pas insurmontable. Comme le souligne FiveThirthyEight,
l'histoire a prouvé que des retournements de situation étaient
possibles, et pas seulement en 2016. En 1988, le candidat démocrate
Michael Dukakis menait de 5 points dans les sondages au même stade de la
campagne, et il s'est finalement incliné… de 8 points à l'échelle
nationale. En 2000, George Bush menait très largement la course au début
de l'été (8 points d'avance) avant de finalement perdre le vote
populaire, remportant néanmoins le collège électoral grâce à la Floride.
L'élection est encore loin
"Avec
109 jours restants, notre objectif est clair : gagner chaque jour qu'il
nous reste jusqu'au jour des élections. Si nous remportons plus de
jours que Joe Biden, le président Trump sera réélu", veut croire Bill
Stepien. L'équipe de campagne du républicain peut s'appuyer sur une base
fidèle et enthousiaste. Selon un sondage Suffolk pour USA Today, 50%
des électeurs de Trump se disent "très excités" par sa candidature,
contre seulement 27% des électeurs de Biden. Et 30% des électeurs
démocrates ne sont pas emballés par la candidature de
l'ex-vice-président, contre seulement 14% des électeurs républicains par
celle de Trump.
Mais contrairement à 2016, Joe Biden ne suscite
pas le même rejet parmi les trumpistes qu'Hillary Clinton. Alors Donald
Trump et son équipe s'attellent à dépeindre le démocrate comme faible et
à la merci de l'extrême gauche au sein de son parti. Une stratégie
inaudible pour le moment, en partie à cause des errements du président.
Lors de son meeting de Tulsa, le milliardaire a répété cet argument,
mais sa sortie sur la nécessité de faire moins de tests contre le
Covid-19 l'a éclipsé, tout comme les images de gradins clairsemés, alors
que l'équipe du président s'attendait à une foule d'un million de
personnes.
Mais l'élection a lieu dans plus de trois mois et là encore, l'exemple de 2016 incite à la prudence. Des sondages
sortis des urnes indiquent qu'il y a quatre ans, seuls 60% des
électeurs avaient décidé pour qui ils allaient voter avant septembre.
Parmi les 40% restants, une majorité avait finalement voté Trump,
faisant basculer l'élection. A l'époque, ils avaient fait voler en éclat
les modèles prédictifs.
Thomas Liabot
Par leJDD.fr