
Tesla n’entend pas laisser des
développeurs indépendants proposer des améliorations à ses voitures,
et
le fait savoir à ses clients.
En juin dernier, une société de la région de Montréal spécialisée
dans la revente de véhicules électriques trouvait un peu par hasard et
par la magie de l’ingénierie informatique un moyen d’augmenter significativement la puissance des Tesla Model 3.
Flairant
le bon coup, le responsable de l’entreprise créait une division
spécialisée qui développa un package à destination des clients leur
permettant de booster leur Model 3 en échange de 1100 dollars. Ingenext
de son nom s’est élargie à davantage de solutions pour améliorer sa
Tesla sans passer par les options officielles du constructeur. Selon
lui, ses modifications apportent même une plus grande efficacité que les
mises à jour de Tesla. Le 0 à 100 km/h serait abattu en 3,8 secondes
grâce aux modifications d’Ingenext, contre 3,9 secondes avec le mode «
Boost » officiellement déverrouillé par Tesla.
Mais, comme nous le
pressentions, il ne faudrait probablement pas très longtemps pour que
Tesla réagisse et tente de mettre fin à ce qui peut être considéré comme
un hack, sachant que ce genre de modification peut aussi faire sauter
la garantie de la voiture, sans parler des problèmes légaux d’assurance
puisque ce coup de boost ajoute environ 50 chevaux supplémentaires.
Tesla
vient effectivement de réagir. Pour le moment, cette réponse est
relativement bienveillante puisqu’elle apparait sous la forme d’une
fenêtre superposée sur l’écran des Tesla modifiées avec le hack
Ingenext, affichant le message « Modification incompatible avec ce véhicule détectée / risques potentiels de dommages ou de panne ».
Le problème étant que cette pop-up resterait affichée de façon
permanente sur l’écran, ce qui masque la plupart des autres
fonctionnalités, et notamment l’affichage de la navigation. Il se
pourrait alors que la seule solution soit de désactiver le programme
Ingenext ou d’attendre une mise à jour de ce dernier afin qu’il annihile
l’avertissement de Tesla.
Il faut préciser que lors de
l’installation de ce hack présenté comme légal, Ingenext indique à ses
clients qu’ils ne doivent plus installer les futures mises à jour
officielles Tesla, mais uniquement celles d’Ingenext. Les clients font
donc la démarche en toute connaissance de cause, et c’est d’ailleurs
suite à l’installation de la dernière mise à jour officielle Tesla que
certains clients Ingenext ont vu apparaitre ce message gênant.
Les géants de la tech gardent la main sur votre bien, même si vous l’avez payé intégralement
Au-delà
de cet épisode quelque peu fâcheux, mais qu’Ingenext s’engage à régler
dans les prochains jours grâce à un patch, se pose la question de la
propriété d’un produit à l’ère du numérique. On sait que les Tesla sont
des voitures connectées et que leur fonctionnement est fortement
dépendant de l’informatique, dont une grande partie est reliée Cloud et
aux serveurs de Tesla. Certains acheteurs de Tesla d’occasion ont
d’ailleurs pu le constater à leurs dépens, quand Tesla a désactivé à
distance certaines options comme l’Autopilot lorsqu’ils sont devenus les
nouveaux propriétaires de la voiture, alors que celle-ci avait été
vendu avec.
En fait c’est une question récurrente qui d’ailleurs
ne concerne pas que Tesla. Nous avons appris au fil du temps que nos
iPhone par exemple ne nous appartenaient jamais pleinement puisqu’il
était pratiquement impossible de les personnaliser en dehors des
quelques options proposées par Apple, et que nous ne pouvons pas non
plus installer tout ce que nous voulons dessus, en tout cas en ce qui
concerne la partie logicielle. La seule solution est le jailbreak, mais
il est un peu passé de mode, et surtout Apple lutte aussi – comme le
fait Tesla – contre ces modifications non officielles.
Il
y a plusieurs raisons à cela. D’une part, les marques pratiquant de la
sorte entendent éviter à leurs clients de se faire abuser par des
logiciels tiers qui pourraient être malveillants et poser ensuite des
problèmes de panne ou de sécurité, a fortiori quand il s’agit d’une
voiture. Mais ces marques protègent aussi leur business, d’une part en
se prémunissant contre des passages trop fréquent au SAV en période de
garantie, et d’autre part en se réservant le monopole des options,
qu’elles peuvent ainsi continuer à vendre – ou à louer
– plus cher. Dans l’exemple de Tesla vs. Ingenext, rappelons que
l’option « Boost » est vendue par Tesla 2000 euros, contre 1100 dollars
pour son alternative indépendante.
En fait, quand vous achetez un
produit high tech, vous êtes propriétaire du hardware, mais pas toujours
de la partie logicielle, qui est souvent sous contrat de licence, et
dont la marque reste propriétaire. Et c’est encore plus vrai quand il
s’agit d’un logiciel propriétaire (le bien nommé) comme dans le cas de
Tesla ou Apple. A ce titre elle garde le privilège de toute modification
et amélioration, et peut donc interdire tout hack venant de
développeurs tiers.