Coup de tonnerre politique au Japon. À 65 ans, le Premier ministre a
annoncé ce vendredi 28 août
lors d'une conférence de presse son
intention de démissionner en raison de problèmes de santé. Deux visites
récentes à l'hôpital ont soulevé des spéculations sur sa capacité à se
maintenir au pouvoir. Rattrapé par son ancienne maladie chronique
intestinale qui « risque de s'aggraver », a indiqué Shinzo Abe, il veut
ainsi éviter de « perturber la scène politique nationale ».
« Je ne peux pas être Premier ministre si je ne peux pas prendre
les meilleures décisions pour le peuple. J'ai décidé de démissionner de
mon poste », a déclaré Shinzo Abe, 65 ans, lors d'une conférence de
presse, expliquant subir un retour de son ancienne maladie chronique,
la rectocolite hémorragique ou colite ulcéreuse.
Visiblement ému et en s'inclinant devant les caméras, Le Premier ministre s'est aussi dit « profondément désolé »
envers le peuple japonais de quitter son poste environ un an avant la
date initialement prévue et en pleine crise du coronavirus.
« Je vais continuer à remplir fermement mes fonctions jusqu'à ce qu'un nouveau Premier ministre soit nommé »,
a précisé le chef du gouvernement. Son successeur sera très
vraisemblablement le vainqueur d'une nouvelle élection pour la
présidence du Parti libéral-démocrate (PLD), la formation dont Shinzo
Abe est actuellement le chef.
Pas de successeur évident
Sa
décision est un bouleversement dans la vie politique japonaise. Abe
occupe en effet son poste depuis 2012, un record de longévité pour un
Premier ministre nippon, mais il n'a pas de successeur évident. Il a
d'ailleurs a refusé d'exprimer publiquement une préférence, affirmant
que « toutes les personnes dont les noms circulent sont des gens très capables ».
Parmi les candidats pressentis, le ministre des Finances Taro Aso, mais
aussi Fumio Kishida, ancien chef de la diplomatie, Shigeru Ishiba,
ex-ministre de la Défense, ou encore son fidèle conseiller Yoshihide
Suga, actuel porte-parole du gouvernement.
Ces derniers jours, ce
dernier avait pourtant tenté de balayer les spéculations sur un départ
précipité. Yoshihide Suga avait encore répété ce vendredi matin
s'attendre à ce que Shinzo Abe annonce au contraire son intention de « travailler dur » tout en se soignant, et avait réaffirmé ne pas avoir vu de signes d'altération de sa santé lors de ses entrevues « quotidiennes » avec lui.
Les
observateurs s'attendaient aussi à ce que Shinzo Abe veuille rester à
son poste jusqu'au terme de son troisième et dernier mandat de président
du Parti libéral-démocrate (PLD) prévu en septembre 2021.
Le chef du gouvernement a d'abord annoncé sa démission lors d'une réunion d'urgence de son parti libéral-démocrate (PLD). « J'ai entendu son plan. C'était soudain et imprévu. Je suis sidérée », a déclaré à la presse, Tomomi Inada, députée, cadre du PLD et proche alliée de Shinzo Abe, présente à la réunion.
Déjà démissionnaire en 2007
Shinzo Abe avait déjà dû quitter le pouvoir pour des raisons de santé, rappelle notre correspondant à Tokyo, Frédéric Charles.
En 2007, son premier passage a la tête du Japon avait été bref : à
peine un an. Il souffre, depuis l'âge de 17 ans, de rectocolite
hémorragique, une maladie incurable de l'intestin. Depuis son retour au
pouvoir en 2012, un médicament lui permet d'atténuer ses désordres
intestinaux. Mais la maladie est réapparue.
Même après deux visites à l'hôpital en une semaine, le Premier
ministre était décidé à rester au pouvoir jusqu'au terme de son mandat
en septembre 2021. Ne serait-ce que pour s'auréoler du succès de la
tenue des Jeux olympiques de Tokyo fixés à l'été 2021, s'ils ont lieu.
Popularité au plus bas
La bourse de Tokyo cède 1,4 % à l'annonce de sa demission. Père des « Abenomics »,
une stratégie de croissance, Shinzo Abe incarnait la stabilité
politique. Il était au pouvoir depuis sept ans et demi. Un record
historique. Avant lui, le Japon changeait de Premier ministre tous les
17 mois en moyenne. Sous son règne, la bourse de Tokyo a doublé de
valeur.
Depuis le début de l'année, pourtant, sa popularité est au
plus bas. Les Japonais critiquent sa gestion de la pandémie de
coronavirus, quand bien même le Japon est moins touché que d'autres
pays.
Par RFI