Des experts désignés par la junte ont adopté une "charte" de
transition au terme de trois jours
de discussions à Bamako entre
personnalités politiques, de la société civile et militaires.
La junte malienne, sous pression pour dévoiler son plan de
restauration d'un pouvoir civil, s'est engagée samedi à une transition
dans un délai de 18 mois. Un groupe de colonels a renversé le 18 août le président Ibrahim Boubacar Keïta,
au pouvoir depuis 2013 et affaibli par des mois de contestation face à
la grave crise sécuritaire, économique et institutionnelle traversée par
le pays, mais aussi la corruption reprochée à toute la classe
politique. Des experts désignés par la junte ont adopté une "charte" de
transition au terme de trois jours de discussions à Bamako entre
personnalités politiques, de la société civile et militaires.
Cette "charte" n'a pas été publiée dans l'immédiat mais le document
en discussion samedi prévoyait une transition de 18 mois, conduite par
un président désigné par un comité lui-même établi par la junte, selon
des correspondants de l'AFP. "Nous prenons l'engagement devant vous de
ne ménager aucun effort dans la mise en œuvre de l'ensemble de ces
résolutions dans l'intérêt exclusif du peuple malien", a déclaré le chef de la junte, le colonel Assimi Goïta,
à la conclusion des "journées de concertation nationale". "Nous
demandons et espérons la compréhension l'appui et l'accompagnement de la
communauté internationale dans cette mise en œuvre diligente correcte
de la charte et de la feuille de route de la transition", a-t-il ajouté.
"Confiscation"
Certains
partenaires internationaux du Mali, à commencer par la Communauté
économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), réclament un retour
des civils dans un an maximum, au terme d'une transition dirigée par des
civils. La Cédéao, qui a imposé au Mali un embargo sur les flux
commerciaux et financiers, a donné à la junte jusqu'à mardi pour
désigner un président et un Premier ministre civils. La France,
principal allié du Mali contre les jihadistes avec plus de 5.000 hommes
déployés au Sahel, pousse aussi à avancer vite sur la voie d'un retour à
un régime civil.
Des responsables de la junte devraient aller à
la rencontre de chefs d'Etat et de gouvernement de la Cédéao qui se
réuniront mardi à Accra, la capitale ghanéenne, a dit à l'AFP un
collaborateur de l'ancien président nigérian Goodluck Jonathan, qui a
mené une longue médiation dans cette crise. "Les résultats auxquels vous
êtes parvenus m'autorisent à espérer l'avènement d'un Mali nouveau,
démocratique, laïc, prospère, fondé sur le travail, la justice sociale
et l'égalité", a déclaré aux participants le chef de la junte. Mais
auparavant, plusieurs d'entre eux, en particulier des membres du
mouvement de contestation qui a mobilisé pendant des semaines dans la
rue contre le régime du président Keïta, ont dénoncé une "confiscation"
du pouvoir par les militaires.
"Document charcuté"
L'une
des dirigeantes du mouvement, Sy Kadiatou Sow, ancienne gouverneure de
Bamako et ex-ministre, s'est ainsi insurgée contre un "document qui a
été complètement charcuté" par rapport aux travaux conduits depuis
jeudi. "Nous n'approuverons pas cette charte" en l'état, a assuré Sy
Kadiatou Sow, déplorant "une volonté de confisquer le pouvoir par le
CNSP (Conseil national de salut du peuple institué par les putschistes,
NDLR) et ceux qui le soutiennent".
Les partisans d'une transition
longue confiée aux militaires arguent du temps et de l'autorité
nécessaires pour redresser un pays au bord du gouffre. Les autres
invoquent au contraire le risque d'une instabilité encore accrue dans un
Sahel déjà travaillé par les groupes jihadistes, et le mauvais exemple
régional donné par une junte maintenue durablement au pouvoir.
Par AFP avec Paris Match